Abdeslam Seddiki Ministre de l’Emploi et des Affaires Sociales

Abdeslam Seddiki
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JobMédiaire : Comment s’est porté le marché de l’emploi au Maroc durant ces deux dernières années?

 

Abdeslam Seddiki : La situation du marché de l’emploi s’est relativement stabilisée durant les deux dernières années. Selon l’enquête nationale de l’emploi, l’offre de travail, mesurée par la population active âgée de 15 ans et plus, a atteint 11,7 millions de personnes en 2013, dont les femmes représentent 26,8%, contre 11,5 millions de personnes en 2012, ce qui représente une offre additionnelle de travail de 157.000 personnes, contre une moyenne annuelle de 80 000 actifs entre 2007 et 2012. Le taux d’activité, quant à lui, a connu une quasi-stagnation entre 2012 et 2013, enregistrant, respectivement, 48,4% et 48,3%. Ce taux est relativement faible chez les femmes et les jeunes âgés de 15-24 ans, enregistrant, respectivement 25,1% et 32,2% en 2013.

 

En matière d’emploi, l’économie nationale a créé 114.000 postes d’emploi en 2013 (26.000 emplois en zones urbaines et de 88.000 emplois en zones rurales). Les principaux secteurs ayant généré des emplois sont les services et l’agriculture, forêt et pêche avec, respectivement, 101.000 et 58.000 postes d’emploi. En revanche, le secteur du BTP qui était l’un des principaux secteurs créateurs d’emplois au cours des dernières années a enregistré une perte de 21.000 emplois en 2012 et de 50.000 en 2013 (contre une création moyenne de plus de 55.000 emplois par an entre 2008 et 2011).

 

En ce qui concerne le chômage, la population en chômage est estimée à 1,08 million chômeurs en 2013 contre 1,04 million en 2012, soit 43.000 chômeurs supplémentaires. Ce volume de chômage correspond à un taux de chômage de 9,2% (contre 9% une année auparavant). Le taux de chômage est relativement élevé dans les villes, chez les jeunes et les diplômés. Au 2ème trimestre 2014, le taux de chômage national s’est établi à 9,3% contre 8,8% une année auparavant, soit une hausse d’un demi-point en glissement annuel. Par rapport au premier trimestre 2014, le taux de chômage a reculé de près d’un point passant de 10,2% à 9,3%. Le taux de chômage est généralement le plus bas durant cette période de l’année (deuxième trimestre) par rapport aux autres trimestres de l’année (évolutions tendancielles).

 

 

JM : Le projet de l’indemnisation pour la perte de l’emploi (IPE) a été récemment adopté par le gouvernement marocain, est ce que vous pouvez nous en dire un peu plus ?

 

A.Seddiki : Tout d’abord,  je tiens à vous rappeler que la loi qui prévoit cette indemnité a été adoptée par la chambre des conseillers le 10 juin 2014 et par la chambre des représentants le 23 juillet 2014. Actuellement, elle est publiée au Bulletin Officiel n° 6290 en date du 11 septembre 2014 et ses dispositions seront en vigueur à partir de décembre 2014.

L’indemnité pour perte d’emploi est une prestation qui sera servie au profit des assurés de la CNSS ayant perdu leur emploi de manière involontaire et accomplissant les conditions d’éligibilité suivantes :

– Avoir une période d’assurance au régime de sécurité sociale d’au moins 780 jours dans les trois années précédant la date d’arrêt du travail, dont 260 jours durant les douze derniers mois civils ;

– Être inscrit comme demandeur d’emploi auprès de l’ANAPEC;

– Ne pas être titulaire d’un droit à une pension d’invalidité ou de retraite ;

– Etre apte au travail.

 

 

En vertu de cette loi, le salarié ayant perdu son emploi bénéficiera d’une indemnité égale à 70% du salaire de référence ne dépassant pas le SMIG et ce, pendant une période de 6 mois. Il continuera à bénéficier de l’assurance maladie obligatoire et des allocations familiales durant la période du service de l’indemnité.  Egalement la période du service de l’IPE  sera comptabilisée pour bénéficier de la pension de vieillesse.

 

Le financement de cette prestation sera assuré par des cotisations patronales et salariales qui sont respectivement de 0,38% et 0,19%, en plus de la contribution de l’Etat allouée au démarrage de l’IPE qui s’élève à 500 millions de DH, 250 millions de DH attribuées pour la première année et 250 millions de DH répartis entre la 2ème  et la 3ème année si c’est nécessaire.

 

L’assuré bénéficiant de l’IPE bénéficiera également d’un accompagnement pour améliorer son employabilité et pour faciliter sa réinsertion sur le marché du travail. Cet accompagnement sera réalisé par des programmes de formation dont la mise en œuvre sera coordonnée entre l’ANAPEC et l’OFPPT.

 

Enfin, cette indemnité est la première du genre dans le domaine de l’assurance sociale au Maroc, instaurant ainsi un filet social qui  renforcera le système de la protection sociale national au profit d’un grand nombre de salariés qui perdent leur emploi.

 

 

JM : Vous avez présenté le plan d’action stratégique 2014-2016 visant à  lutter contre le chômage, quelles sont les grandes lignes de cette démarche ? Quels en sont les principaux objectifs escomptés ?

 

A.Seddiki : Le programme gouvernemental place l’emploi et la lutte contre le chômage parmi ses premières et grandes priorités. L’objectif retenu étant de faire passer le taux de chômage de 9 % en 2012 à 8 % en 2016. A cet effet, et outre, la promotion et l’accompagnement des politiques nationales et des stratégies sectorielles pour stimuler la croissance économique et l’investissement, le gouvernement mettra en œuvre les mesures nécessaires afin de renforcer le cadre institutionnel de la politique de l’emploi à travers notamment, la consolidation et l’amélioration des dispositifs de promotion de l’emploi en cours et la mise en place de nouvelles mesures, la mise en place des mécanismes de veille et des outils d’intermédiation et d’observation, par la création en cours de l’observatoire national du marché du travail, pour une meilleure appréciation des tendances et évolutions de ce marché.

 

 

La vision stratégique du Ministère dans le domaine de la promotion de l’emploi est de se positionner en tant qu’acteur dynamique qui contribue à la prospérité du Maroc et à son développement social en soutenant le développement de l’emploi productif et décent et la réduction du chômage. Ainsi, le plan d’action du Ministère préconise des mesures et actions qui s’inscrivent dans le cadre de deux domaines d’intervention :

 

Le premier domaine concerne la promotion de l’emploi à travers :

(1) L’accompagnement des politiques nationales et des stratégies sectorielles en renforçant les synergies et les mécanismes de coordination dans la conception, la mise en œuvre,  le suivi et l’évaluation des politiques publiques sectorielles;

(2) Le développement des actions d’encouragement et de soutien des initiatives régionales et locales en matière de création d’emploi par l’initiation d’actions spécifiques sur les bassins d’emplois favorables et les régions défavorisées ainsi que la mise en place de plans locaux ou régionaux du développement et de l’emploi ;

(3) Le développement de la politique active de l’emploi à travers l’amélioration des programmes d’emploi en vigueur, la mise en place de nouveaux programmes et ;

 (4) La prospection des opportunités d’emploi à l’international dans le cadre d’une stratégie volontariste de placement à l’international.

 

 

Le deuxième domaine a trait à l’amélioration de la gouvernance du marché du travail par des actions qui portent essentiellement sur :

(1) L’amélioration du dispositif d’intermédiation par le renforcement du rôle et du suivi de l’activité de l’ANAPEC et le développement du dispositif d’intermédiation privé ainsi que ;

(2) Le renforcement du système d’information, de veille et d’analyse du  marché du travail par la mise en œuvre d’un plan d’action pluriannuel des enquêtes et études du marché de travail et;

(3) Le renforcement du cadre institutionnel de la politique de l’emploi par la redynamisation des instances consultatives dans le domaine de promotion de l’emploi aux niveaux national, régional et provincial et l’élaboration d’une stratégie nationale de l’emploi dans l’objectif d’assurer la convergence des politiques publiques agissant pour la création d’emploi. Les principaux objectifs escomptés de cette stratégie sont :

– Amélioration du taux de participation des femmes au marché du travail à l’horizon 2025 ;

– Amélioration du taux d’emploi des deux sexes et réduire la durée moyenne de chômage des jeunes et des moins jeunes ;

– Réaliser un seuil de productivité moyenne du travail à atteindre par emploi dans les principaux secteurs de l’économie, comme condition du travail décent ;

– Taux de couverture sociale pour les salariés, travailleurs indépendants et les exploitants agricoles ;

– Taux de représentation et d’intégration dans le dialogue social.

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